La Côte d’Opale: aussi une terre de fromages

Caseus, le fromager de Montreuil, fait la part belle aux fromages de la Côte d’Opale. De création récente, ils ont su trouver leur place parmi une offre pourtant très large. La Destination Gastronomique vous fait découvrir leur histoire…
Quand on pousse la porte de Caseus, sur la Grand-Place de Montreuil sur Mer, on sait que l’on est en France, le pays des 250 fromages. Dans cette boutique hors pair, il y a aussi des fromages étrangers, comme des hollandais, des anglais, des suisses notamment au gré des recherches de Ludivine Lefrançois, la propriétaire, ou de passages (visites ) des représentants. Et puis il y a les fromages locaux. Locaux car de la Côte d’Opale ou en tout cas de ce territoire entre terre et mer qui va de Fruges à la côte qui elle-même court jusqu’au-dessus de Boulogne. Ils s’appellent Sire de Créquy, Tomme de Raoul, Sablé de Wissant, Pavé de Montreuil, Ecume de Wimereux, Fleur de Fruges, Fruité du Boulonnais, Coeur Hesdinois, Chti à la Bière, Dôme du Boulonnais, etc. « Dans un panier moyen, il y a au moins un ou deux fromages de la région », souligne Ludivine. Les Anglais en sont friands, les Belges aussi, en gros les étrangers mais aussi les locaux. « Il y en a toujours un ou deux sur les plateaux que nous confectionnons pour des cérémonies, des fêtes de famille… » . Un regret de Ludivine Lefrançois: les clients ne sont pas curieux de leur histoire. Souvent ils achètent parce que nous faisons déguster ».


Ludivine Lefrançois et son équipe chez Caseus

Il est vrai que Ludivine Lefrançois sait de quoi elle parle. Elle vient de l’autre côté de la barrière, côté producteur. Elle en a même fabriqué de ces fromages locaux quand elle travaillait avec ses parents, Alfred et Marie-Claire Henguelle, à Créquy, un village près de Fruges, dans ce qu’on appelle l’arrière-pays…. de la Côte évidemment. Aujourd’hui c’est son frère, Damien, et sa soeur, Alice, qui assurent la production. Evidemment, Ludivine est une des meilleurs clientes.
Mais quand sont nés ces fromages? Historiquement, la Côte d’Opale et son arrière-pays n’étaient pas terre de fromages à la manière de l’Auvergne ou de la Normandie. C’est au XVIIIème siècle qu’est né le Camembert, un des plus célèbres fromages français. Et la Tomme de Savoie est citée dans des textes du XVIème siècle!
Les fromages de la Côte d’Opale apparaissent eux dans les années 1980/1990 pour des raisons notamment financières au départ. « C’est l’époque des quotas laitiers, explique Alice à la ferme de Sire de Créquy. Il fallait créer de la plus-value sur le lait plutôt que le brader ou même le jeter d’autant que la ferme était de taille moyenne , entre 50 et 60 ha ». La laiterie fromagerie artisanale Sainte-Godeleine des frères Bernard (Sablé de Wissant, Ecume de Wimereux, Fleur d’Audresselles, …), à Wierre Effroy, a aussi pris le virage dans les années 80. Antoine et Joachim Bernard ont commencé par un tour de France à vélo dixit la Voix du Nord. Aujourd’hui, ils emploient une trentaine de personnes et viennent d’inaugurer un nouveau bâtiment de 2000 m2, avec toutefois, précise le quotidien régional, la volonté de préserver une activité artisanale.
A Créquy, Alfred et Marie-Claire Henguelle vont, eux, se former chez des producteurs de Munster, en Alsace. Et le premier fromage qu’ils créent à Créquy est justement le Sire de Créquy qui rappelle ce fromage alsacien, avec certes sa spécificité. « Un fromage est long à créer, explique Alice. Il faut faire des essais de fabrication, assurer l’affinage, vérifier que l’on a le bon résultat, parfois piloter des modifications, vérifier aussi comment il réagit l’été et l’hiver. Il faut un an pour aboutir au résultat ». Son frère suit en ayant fait une école d’agriculture puis se forme chez d’autres producteurs.

l’Ecume de Wimereux

Alice, elle, outre son aide à la fabrication des fromages, pilote les yaourts que fabrique la ferme. Des yaourts élaborés en termes de goût avec des variantes selon la saison: au thym citronné, à la menthe fraiche, au gingembre, à la rose, à la cannelle, etc. Tous les essais ne sont pas des réussites. « J’ai essayé un yaourt à l’ortie. Il y en a partout et la soupe à l’ortie est tellement bonne. En yaourt, ce fut une catastrophe. J’ai testé aussi à la violette mais c’est difficile de trouver la fleur avec un volume suffisant ».
Le développement de l’entreprise est aujourd’hui affaire de commercialisation. Evidemment, Caseus est un bon revendeur! Il y a d’autres fromageries de la région qui viennent s’approvisionner à la ferme. Pour ces spécialistes, l’affinage est piloté à la ferme dans des caves naturelles. La ferme travaille aussi avec des grossistes, jusqu’en Belgique et au Luxembourg. Un grossiste allemand les a contactés. Sur l‘Ile de France, la ferme travaille avec la Ruche qui dit Oui, une structure qui met en avant les producteurs, et vise certains Franprix qui cherchent à valoriser leur assortiment par des produits fermiers. Sur Paris, la ferme Sire de Créquy a mutualisé ses livraisons avec la Viande du Chateauneuf, une ferme installée à Audincthun, qui a développé ses ventes de viandes incomparables sur la capitale.
Comme souligne Alice, « les citadins ont pris davantage conscience de ce qu’ils mangent quà la campagne ». A Montreuil sur Mer, Caseus entend bien accueillir tout le monde!
Jean-Paul Leroy